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sent sous le ciel du crâne, dans le laboratoire étroit et mystérieux du cerveau.

L’homme étant donc bien dûment révélé et se révélant de plus en plus (tableau allégorique de la Grèce, le Sardanapale, la Liberté, etc.), la contagion du nouvel évangile empirant de jour en jour, le dédain académique se vit contraint lui-même de s’inquiéter de ce nouveau génie. M. Sosthène de La Rochefoucauld, alors directeur des beaux-arts, fit un beau jour mander E. Delacroix, et lui dit, après maint compliment, qu’il était affligeant qu’un homme d’une si riche imagination et d’un si beau talent, auquel le gouvernement voulait du bien, ne voulût pas mettre un peu d’eau dans son vin ; il lui demanda définitivement s’il ne lui serait pas possible de modifier sa manière. Eugène Delacroix, prodigieusement étonné de cette condition bizarre et de ces conseils ministériels, répondit avec une colère presque comique qu’apparemment s’il peignait ainsi, c’est qu’il le fallait et qu’il ne pouvait pas peindre autrement. Il tomba dans une disgrâce complète, et fut pendant sept ans sevré de toute espèce de travaux. Il fallut attendre 1830. M. Thiers avait fait dans le Globe un nouvel et très-pompeux article.

Un voyage à Maroc laissa dans son esprit, à ce qu’il semble, une impression profonde ; là il put à loisir étudier l’homme et la femme dans l’indépendance et l’originalité native de leurs mouvements, et comprendre la beauté antique par l’aspect d’une race pure de toute mésalliance et ornée de sa santé et du libre