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retrouve cette puissance sauvage, ardente, mais naturelle, qui cède sans effort à son propre entraînement.
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» Je ne crois pas m’y tromper, M. Delacroix a reçu le génie ; qu’il avance avec assurance, qu’il se livre aux immenses travaux, condition indispensable du talent ; et ce qui doit lui donner plus de confiance encore, c’est que l’opinion que j’exprime ici sur son compte est celle de l’un des grands maîtres de l’école. »

A.T…rs.


Ces lignes enthousiastes sont véritablement stupéfiantes autant par leur précocité que par leur hardiesse. Si le rédacteur en chef du journal avait, comme il est présumable, des prétentions à se connaître en peinture, le jeune Thiers dut lui paraître un peu fou.

Pour se bien faire une idée du trouble profond que le tableau de Dante et Virgile dut jeter dans les esprits d’alors, de l’étonnement, de l’abasourdissement, de la colère, du hourra, des injures, de l’enthousiasme et des éclats de rire insolents qui entourèrent ce beau tableau, vrai signal d’une révolution, il faut se rappeler que dans l’atelier de M. Guérin, homme d’un grand mérite, mais despote et exclusif comme son maître David, il n’y avait qu’un petit nombre de parias qui se préoccupaient des vieux maîtres à l’écart et osaient timidement conspirer à l’ombre de Raphaël et de Michel-Ange. Il n’est pas encore question de Rubens.