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le Rhône empiète toujours sur l’istme [sic] ; il ronge, il mange. Cette nuit enfin il a emporté l’isthme. Ce sont des choses qui arrivent souvent dans le Rhône. Une irrégularité devient enfoncement, la langue de terre devient île ; car le fleuve est très rapide.

Ma lettre est cochonnement griffonnée, mais ma plume est très mauvaise, et puis je m’inquiète peu de cela. II me tarde de m’excuser de ma paresse par une longue lettre. Mais juge donc quel cruel supplice, cette petite entorse m’empêche de danser, moi qui ne manque pas une seule contredanse.

Et puis ! pendant mes vacances, eh bien, j’ai joué la comédie, et puis je vais encore jouer un proverbe.

Il y a peut-être bien des folies dans ma lettre ; les idées sont peut-être aussi irrégulières que l’écriture. Dieu merci, il y avait si longtemps que notre correspondance était interrompue, qu’il n’était pas difficile de trouver matière à cette conversation épistolaire. D’ailleurs il vaut mieux jacasser amicalement que de faire du fatras et du patos [sic].

Mais comment, Théodore[1] a eu des prix ! et… Charles n’en a pas eu.

Ventre Saint-Gris ! j’en aurai. Dis à Théodore qu’il est cause que je serai couronné. Un accessit d’excellence (le 4e) et un de thème (le 5e[2])! C’est vraiment pitoyable : mais je veux en avoir et j’en aurai. Néanmoins mes compliments à Théo-

  1. Théodore Ducessois, le futur imprimeur, frère d’Anne-Félicité Ducessois, devenue Mme Claude-Alphonse Baudelaire le 30 avril 1829. — Charles était alors interne au Collège royal de Lyon. En 1833 il appartenait à la classe de 5e.
  2. Le sixième, a rectifié G. de Nouvion, op. cit.