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et des conflits quotidiens de la civilisation ? Que l’homme enlace sa dupe sur le boulevard, ou perce sa proie dans des forêts inconnues, n’est-il pas l’homme éternel, c’est-à-dire l’animal de proie le plus parfait ?

— On dit que j’ai trente ans ; mais si j’ai vécu trois minutes en une…, n’ai-je pas quatre-vingt-dix ans.

… Le travail, n’est-ce pas le sel qui conserve les âmes momies ?

Début d’un roman, commencer un sujet n’importe où, et, pour avoir envie de le finir, débuter par de très belles phrases.

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Je crois que le charme infini et mystérieux qui gît dans la contemplation d’un navire, et surtout d’un navire en mouvement, tient, dans le premier cas, à la régularité et à la symétrie, qui sont un des besoins primordiaux de l’esprit humain, au même degré que la complication et l’harmonie ; — et, dans le second cas, à la multiplication successive et à la génération de toutes les courbes et figures imaginaires opérées dans l’espace par les éléments réels de l’objet.

L’idée poétique, qui se dégage de cette opération du mouvement dans les lignes, est l’hypothèse d’un être vaste, immense, compliqué, mais eurythmique, d’un animal plein de génie, souffrant et soupirant tous les soupirs et toutes les ambitions humaines.

Peuples civilisés, qui parlez toujours sottement de Sauvages et de Barbares, bientôt, comme dit