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Le prêtre est immense, parce qu’il fait croire à une foule de choses étonnantes. Que l’Église veuille tout faire et tout être, c’est une loi de l’esprit humain. Les peuples adorent l’autorité. Les prêtres sont les serviteurs et les sectaires de l’imagination. Le trône et l’autel, maxime révolutionnaire.



E  G    ou la séduisante aventurière[1]


Ivresse religieuse des grandes villes. Panthéisme. Moi, c’est tous ; tout, c’est moi. Tourbillon.


*


Je crois que j’ai déjà écrit dans mes notes que l’amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale[2]. Mais cette idée peut être développée de la manière la plus amère. Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l’un des deux sera toujours plus calme, ou moins possédé que l’autre. Celui-là ou celle-là, c’est l’opérateur ou le bourreau ; l’autre, c’est le sujet, la victime. Entendez-vous ces soupirs, préludes d’une tragédie de déshonneur, ces gémissements, ces cris, ces râles ? Qui ne les a proférés, qui ne les a irrésistiblement extorqués ? Et que trouvez-vous de pire

  1. Peut-être est-ce la variante du titre d’un roman projeté : le Fou raisonnable et la belle Aventurière (V. p. 405).
  2. V. plus loin. Ce déjà nous fournit une preuve évidente de l’ordre arbitraire introduit dans ces notes par Poulet-Malassis.