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FUSÉES[1]

Quand même Dieu n’existerait pas, la religion serait encore sainte et divine.

Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister.

Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière.

L’amour, c’est le goût de la prostitution. Il n’est même pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la prostitution.

Dans un spectacle, dans un bal, chacun jouit de tous.

  1. Eugène Crépet, op. cit.

    Les Journaux Intimes : Fusées, Mon Cœur mis à nu, ont été constitués par Poulet-Malassis d’une suite de notes sur feuilles volantes trouvées dans les papiers de Baudelaire à sa mort, et non paginées, que l’éditeur-collectionneur colla sur des feuilles de plus grand format, dans un ordre forcément arbitraire. Il n’y faut donc pas chercher d’enchaînement rigoureux non plus qu’aucune unité de matières. Pêle-mêle Baudelaire ici consigne aussi bien les menus faits de sa vie quotidienne que les postulats de sa philosophie, ou encore telle phrase heureusement venue qu’il destine à quelque nouvelle en projet. Ce sont plus des bloc-notes, en somme, que des journaux intimes. Et ceci explique suffisamment les répétitions fréquentes qu’on y trouve.

    M. Octave Uzanne en avait, le premier, donné des fragments importants (le Livre, 10 septembre 1884). M. Eugène Crépet avait cru devoir, lui-même, se résigner à en couper quelques passages ; nous restituons ici le texte intégral.

    Ajoutons que, selon M. Eugène Crépet, le recueil intitulé Fusées « remonte à une dizaine d’années avant la mort de l’auteur, tandis que Mon Cœur mis à nu se rapporte presque exclusivement à l’époque où il se sentit frappé des premières atteintes du mal qui allait l’emporter. »