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et ce calme huileux des mers tropicales. La bêtise est toujours la conservation de la beauté ; elle éloigne les rides ; c’est un cosmétique divin qui préserve nos idoles des morsures que la pensée garde pour nous, vilains savants que nous sommes !

Il y en a qui en veulent à leurs maîtresses d’être prodigues. Ce sont des Fesse-mathieu, ou des républicains qui ignorent les premiers principes d’économie politique. Les vices d’une grande nation sont sa plus grande richesse.

D’autres, gens posés, déïstes raisonnables et modérés, les juste-milieu du dogme, qui enragent de voir leurs femmes se jeter dans la dévotion. — Oh ! les maladroits, qui ne sauront jamais jouer d’aucun instrument ! Oh ! les triples sots qui ne voient pas que la forme la plus adorable que la religion puisse prendre, — est leur femme ! — Un mari à convertir, quelle pomme délicieuse ! Le beau fruit défendu qu’une large impiété, — dans une tumultueuse nuit d’hiver au coin du feu, du vin et des truffes, — cantique muet du bonheur domestique, victoire remportée sur la nature rigoureuse, qui semble elle-même blasphémer les Dieux !

Je n’aurais pas fini de sitôt, si je voulais énumérer tous les beaux et bons côtés de ce qu’on appelle vice et laideur morale ; mais il se présente souvent, pour les gens de cœur et d’intelligence, un cas difficile et angoisseux comme une tragédie ; c’est quand ils sont pris entre le goût héréditaire et paternel de la moralité et le goût tyrannique d’une femme qu’il faut mépriser. De nombreuses et ignobles infidélités, des habitudes de bas lieu, de honteux secrets découverts mal à propos vous inspirent de l’horreur pour l’idole, et il arrive parfois