Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/309

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tout cela est vrai, incontestable ; mais hélas ! le malheureux a donné quelquefois des signes d’un lyrisme monarchique un peu vif. En cela, il était sincère, sans doute ; mais qu’importe ! ces odes malencontreuses, aux yeux de ces messieurs annulent tout son mérite en tant que shakspearianiste. Relativement à Auguste Barbier, traducteur de Julius Cœsar, et à Berlioz, auteur d’un Roméo et Juliette, je ne sais rien. M. Charles Baudelaire, dont le goût pour la littérature saxonne est bien connu, avait été oublié. Eugène Delacroix est bien heureux d’être mort. On lui aurait, sans aucun doute, fermé au nez les portes du festin, lui, traducteur à sa manière de Hamlet, mais aussi le membre corrompu du Conseil municipal ; lui, l’aristocratique génie, qui poussait la lâcheté jusqu’à être poli, même envers ses ennemis. En revanche, nous verrons le démocrate Biéville porter un toast, avec restrictions, à l’immortalité de l’auteur de Macbeth, et le délicieux Legouvé, et le Saint-Marc Girardin, ce hideux courtisan de la jeunesse médiocre, et l’autre Girardin, l’inventeur de la Boussole escargotique et la souscription à un sou par tête pour l’abolition de la guerre.

Mais, le comble du grotesque, le nec plus ultra du ridicule, le symptôme irréfutable de l’hypocrisie de la manifestation, est la nomination de M. Jules Favre, comme membre du Comité. Jules Favre et Shakspeare ! Saisissez-vous bien cette énormité ? Sans doute, M. Jules Favre est un esprit assez cultivé pour comprendre les beautés de Shakspeare, et, à ce titre, il peut venir ; mais, s’il a pour deux liards de sens commun, et s’il tient à ne pas compromettre le vieux poète, il n’a qu’à refuser l’hon-