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préface pour la Grandeur et décadence de César Birotteau, et qui était déjà connu dans le journalisme pour sa verve bouffonne et quasi impie ; le piétisme ne lui avait pas encore rogné les griffes, et les feuilles bigotes ouvert leurs bienheureux éteignoirs.

« Édouard, voulez-vous avoir demain cent cinquante francs ? — Fichtre ! — Eh bien ! venez prendre du café. »

Le jeune homme but une tasse de café, dont sa petite organisation méridionale fut tout d’abord enfiévrée.

— « Edouard, il me faut demain matin trois grandes colonnes Variétés sur les Français peints par eux-mêmes ; ce matin, entendez-vous, et de grand matin ; car l’article entier doit être recopié de ma main et signé de mon nom ; cela est fort important. »

Le grand homme prononça ces mots avec cette emphase admirable, et ce ton superbe, dont il dit parfois à un ami qu’il ne veut pas recevoir : Mille pardons, mon cher, de vous laisser à la porte ; je suis en tête à tête avec une princesse, dont l’honneur est à ma disposition, et vous comprenez…

Édouard lui donna une poignée de main, comme à un bienfaiteur, et courut à la besogne.

Le grand romancier commanda son second article rue de Navarin.

Le premier article parut le surlendemain dans le Siècle. Chose bizarre, il n’était signé ni du petit homme ni du grand homme, mais d’un troi-