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chaque pays a son odeur. Paris, dit-on, sent ou sen- tait \t chouaig^re.Le Cap sentie mouton. Il y a des îles tro[)icalesqui sentent la rose, le musc ou l’huile de coco. La Russie sent le cuir. Lyon sent le char- bon. L’Orient, en général, sent le musc et la charo- j^ne. Bruxelles sent le savon noir. Les chambres d’hôtel sentent le savon noir. Les lits sentent le savon noir. Les serviettes sentent le savon noir. Les trottoirs sentent le savon noir. Lavage des façades et des trottoirs, même quand il pleut à flots. Manie nationale, universelle.

Fadeur générale de la vie. Cigares, légumes, fleurs, fruits, cuisine, yeux, cheveux, tout est/ac/e?, tout est triste, insipide, endormi. La physionomie humaine, vague, sombre, endormie. Horrible peur, de la part des Français, de cette contagion sopo- relise.

Les chiens seuls sont vivants ; ils sont les nègres de la Belgique.

Bruxelles, beaucoup plus bruyant que Paris ; le pourquoi. Le pavé, irrégulier ; la fragilité et la sonorité des maisons ;rétroitesse des rues ; l’accent sauvage et immodéré du peuple ; la maladresse universelle ; le sifflement national (ce que c’est), et les aboiements des chiens.

Peu de trottoirs, ou trottoirs interrrompus (con- séquence de la liberté individuelle, poussée à l’ex- trême). Affreux pavé. Pas de vie dans la rue. — Beaucoup de balcons, personne aux balcons. Les espions, signe d’ennui, de curiosité ou d’inhospi- talité.

Tristesse d’une ville sans fleuve.

Pas d’étalages aux boutiques. La flânerie, si chère aux peuples doués d’imagination, impossible