Page:Baudelaire - Œuvres posthumes 1908.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

trop personnel, et conséquemment trop aristocratique, pour enchanter d’autres personnes que les hommes de lettres et les artistes, gens très amoureux de toute personnalité vive. Non seulement l’eau-forte est faite pour glorifier l’individualité de l’artiste, mais il est même impossible à l’artiste de ne pas inscrire sur la planche son individualité la plus intime. Aussi peut-on affirmer que, depuis la découverte de ce genre de gravure, il y a eu autant de manières de le cultiver qu’il y a eu d’artistes aqua-fortistes. Il n’en est pas de même du burin, ou du moins la proportion dans l’expression de la personnalité est-elle infiniment moindre.

On connaît les audacieuses et vastes eaux-fortes de M. Legros : cérémonies de l’Église, processions, offices nocturnes, grandeurs sacerdotales, austérités du cloître, etc., etc.

M. Bonvin, il y a peu de temps, mettait en vente, chez M. Cadart (l’éditeur des œuvres de Bracquemond, de Flameng, de Chifflart), un cahier d’eaux-fortes, laborieuses, fermes et minutieuses comme sa peinture.

C’est chez le même éditeur que M. Yonkind, le charmant et candide peintre hollandais, a déposé quelques planches auxquelles il a confié le secret de ses rêveries, singulières abréviations de sa peinture, croquis que sauront lire tous les amateurs habitués à déchiffrer l’âme d’un peintre dans ses plus rapides gribouillages (gribouillage est le terme dont [se] servait, un peu légèrement, le brave Diderot pour caractériser les eaux-fortes de Rembrandt).

MM. André Jeanron, Ribot, Manet viennent de faire aussi quelques essais d’eau-forte, auxquels