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L’EAU-FORTE EST À LA MODE[1]


Décidément, l’eau-forte devient à la mode. Certes nous n’espérons pas que ce genre obtienne autant de faveur qu’il en a obtenu à Londres il y a quelques années, quand un club fut fondé pour la glorification de l’eau-forte et quand les femmes du monde elles-mêmes faisaient vanité de dessiner avec la pointe sur le vernis. En vérité, ce serait trop d’engouement.

Tout récemment, un jeune artiste américain, M. Whistler, exposait à la galerie Martinet une série d’eaux-fortes, subtiles, éveillées comme l’improvisation et l’inspiration, représentant les bords de la Tamise ; merveilleux fouillis d’agrès, de vergues, de cordages ; chaos de brumes, de fourneaux et de fumées tirebouchonnées ; poésie profonde et compliquée d’une vaste capitale.

Il y a peu de temps, deux fois de suite, à peu de jours de distance, la collection de M. Méryon se vendait en vente publique trois fois le prix de sa valeur primitive.

Il y a évidemment dans ces faits un symptôme de valeur croissante. Mais nous ne voudrions pas affirmer toutefois que l’eau-forte soit destinée prochainement à une totale popularité. C’est un genre

  1. Revue anecdotique, no 2 d’avril 1862. Article anonyme.