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épreuves arachnéennes de Balzac, — les manchettes de Buffon, etc..

Dans ces différents opuscules, le but est toujours sati- rique ; le thème, — une description des mœurs lunaires mises en parallèle avec les nôtres. Mais dans aucun je ne vois l’effort pour rendre plausibles les détails du voyage en lui-même. Tous les auteurs semblent absolu- ment ig-norants en matière d’astronomie. Dans Hans Pfaall^\e dessein est orig’inal,en tant qu’il représente un effort vers la vraisemblance {verisimilitude), dans l’ap- plication des principes scientifiques (autant que le per- mettait la nature fantasque du sujet) à la traversée effec- tive de la terre à la lune.

Je permets au lecteur de sourire, — moi-même j’ai souri plus d’une fois en surprenant les dadas de mon auteur. Lés petitesses de toute grandeur ne seront-elles pas toujours, pour un esprit impartial, un spectacle touchant? Il est réellement singulier de voir un cerveau, tantôt si profondément germa- nique et tantôt si sérieusement oriental, trahir à de certains moments l’américanisme dont il est saturé.

Mais, à le bien prendre, l’admiration restera la plus forte. Qui donc, je le demande, qui doncd’en- tre nous, — je parle des plus robustes, — aurait osé, à 23 ans, à l’âge où l’on apprend à lire^ — se diriger vers la lune, équipé de notions astronomi- ques et physiques suffîsarites, et enfourcher imper- turbablement le dada ou plutôt l’hippogriffe ombrageux de la verisimilitude ?