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tence physique dans une immobilité obstinée, tel- les étaient quelques-unes des assertions dans les- quelles m’avait jeté une condition intellectuelle qui, si elle n’est pas sans exemple, appelle certaine- ment l’étude et l’analyse. » Et il prend soin de nous faire remarquer que ce n’est pas là l’exag-ération de la rêverie bien commune à tous les hommes ; car le rêveur prend un objet intéressant pour point de départ, il roule de déduction en déduction et, après une long’ue journée de rêverie, la cause première est tout à fait envolée, Vincitamentuma. disparu. Dans le cas d’Egœus, c’est le contraire. L’objet est inva- riablement puéril ; mais, à travers le miheu d’une contemplation violente, il prend une importance de réfraction. Peu de déductions, point de médita- tions ag-rëables ; et, à la fin, la cause première, bien loin d’être hors de vue, a conquis un intérêt sur- naturel, elle a pris une g-rosseur anormale qui est le caractère distinctif de cette maladie.

Egœus va épouser sa cousine. Au temps de son incomparable beauté, il ne lui a jamais adressé un seul mot d’amour ; mais il éprouve pour elle une grande amitié et une grande pitié. D’ailleurs, n’a- t-elle pas l’immense attrait d’un problème? Et, comme il l’avoue, dans l’étrange anomalie de son existence, les sentiments ne lui sont jamais venus du cœur, et les passions lui seront toujours venues de l’esprit. Un soir, dans la bibliothèque, Bérénice se trouve devant lui. Soit qu’il ait l’esprit troublé, soit par l’effet du crépuscule, il la voit plus grande que de coutume. Il contemple longtemps sans dire un mot ce fantôme aminci qui, dans une douloureuse coquetterie de femme enlaidie, essaie un sourire, un sourire qui veut dire : « Je suis bien