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III


Je vais m’appliquer à donner une idée du carac- tère g-énéral qui domine les œuvres d’Edgar Poe. Quant à faire une analyse de toutes, à moins d’é- crire un volume, ce serait chose impossible, car ce singulier homme, malgré sa vie déréglée et diabo- lique, a beaucoup produit. Poe se présente sous trois aspects : critique, poète et romancier ; encore dans le romancier y a-t-il un philosophe.

Quand il fut appelé à la direction du Messager littéraire du Sud, il fut stipulé qu’il recevrait 2.5oo francs par an. En échange de ces très médio- cres appointements, il devait se charger de la lec- ture et du choix des morceaux destinés à composer le numéro du mois, et de la rédaction de la partie dite éditorial, c’est-à-dire de l’analyse de tous les ouvrages parus et de l’appréciation de tous les faits littéraires. En outre, il donnait souvent, très sou- vent, une nouvelle ou un morceau de poésie. Il fit ce métier pendant deux ans à peu près. Grâce à son active direction et à l’originalité de sa critique, le Messager littéraire attira bientôt tous les yeux ; J’ai là, devant moi, la collection des numéros de ces deux années : la partie éditorial est considéra- ble ; les articles sont très longs. Souvent, dans le même numéro, on trouve un compte-rendu d’un roman, d’un livre de poésie, d’un livre de médecine, de physique ou d’histoire. Tous sont faits avec le plus grand soin, et dénotent chez leur auteur une connaissance de différentes littératures et une apti- tude scientifique qui rappelle les écrivains français