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touche à l’art musical et à la science mathématique) la ligne horizontale, la ligne droite ascendante, la ligne droite descendante ; qu’elle peut monter à pic vers le ciel, sans essoufflement, ou descendre perpendiculairement vers l’enfer avec la vélocité de toute pesanteur ; qu’elle peut suivre la spirale, décrire la parabole, ou le zigzag figurant une série d’angles superposés ;

Que la poésie se rattache aux arts de la peinture, de la cuisine et du cosmétique par la possibilité d’exprimer toute sensation de suavité ou d’amertume, de béatitude ou d’horreur, par l’accouplement de tel substantif avec tel adjectif, analogue ou contraire ;

Comment, appuyé sur mes principes et disposant de la science que je me charge de lui enseigner en vingt leçons, tout homme devient capable de composer une tragédie qui ne sera pas plus sifflée qu’une autre, ou d’aligner un poème de la longueur nécessaire pour être aussi ennuyeux que tout poème épique connu.

Tâche difficile que de s’élever vers cette insensibilité divine ! Car moi-même, malgré les plus louables efforts, je n’ai su résister au désir de plaire à mes contemporains, comme l’attestent en quelques endroits, apposées comme un fard, certaines basses flatteries adressées à la démocratie, et même quelques ordures destinées à me faire pardonner la tristesse de mon sujet. Mais MM. les journalistes s’étant montrés ingrats envers les caresses de ce genre, j’en ai supprimé la trace, autant qu’il m’a été possible, dans cette nouvelle édition.

Je me propose, pour vérifier de nouveau l’excellence de ma méthode, de l’appliquer prochainement