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les habitudes , le physique des artistes et des écri- vains ont toujours excité la curiosité bien légitime. Qui n’a cherché quelquefois l’acuité du style et la netteté des idées d’Erasme daiis le coupant de son profil, la chaleur et le tapage de leurs œuvres dans \\ tête de Diderot et dans celle de Mercier, où un peu de fanfaronnade se mêle à la bonhomie, l’iro- D’ie opiniâtre dans le sourire persistant de Voltaire, sa grimace de combat, la puissance de commande- ment et de prophétie dans l’œil jeté à l’horizon, et la solide figure de Joseph de Maislre , aigle et bœuf lout à la fois ? Qui ne s’est ingénié à déchiffrer la Comédie humaine dans le front et le visage puis- sants et compliqués de Balzac ?

M. Edgar Poe était d’une taille un peu au-des- sous de la moyenne, mais toute sa personne soli- dement bâtie ; ses pieds et ses mains petits. Avant que sa constitution fût attaquée, il était capable de merveilleux traits de force. On dirait que la Nature, et je crois qu’on l’a souvent remarqué, fait à ceux dont elle veut tirer de grandes choses la vie très dure. Avec des apparences quelquefois chétives, ils sont taillés en athlètes, ils sont bons p !)ur le plaisir comme pour la souffrance. Balzac , eu assistant aux répétitions des Ressources de Qui- rio/a, les dirigeant et jouantlui-mémetous les rôles, corrigeait des épreuves de ses livres ; ilsoupait avec les acteurs, et quand tout le monde fatigué allait au sommeil , il retournait légèrement au travail. Chacun sait qu’il a fait de grands excès d’insomnie et de sobriété. Edgar Poe, dans sa jeunesse, s’était fjrt distingué à tous les exercices d’adresse et de force ; cela rentrait un peu dans son talent : cal- culs et problèmes. Un jour, il paria qu’il partirait