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commerciale aventureuse. Seulement, quand la lec- ture doit être faite par un écrivain célèbre, il y a affUience, et c’est une espèce de solennité litté- raire. On voit que ce sont les chaires du Collège de France mises à la disposition de tout le monde. Gela fait penser à Andrieux, à La Harpe, à Baour- Lormian, et rappelle cette espèce de restauration littéraire qui se fit après l’apaisement de la Révo- lution française dans les Lycées, les Athénées elles Casinos.

Edgar Poe choisit pour sujet de son discours un thème qui est toujours intéressant, et qui a été fortement débattu chez nous. Il annonça qu’il par- lerait du principe de la poésie. Il y a, depuis long- temps déjà, aux Etats-Unis, un mouvement utili- taire qui veut entraîner la poésie comme le reste. Il y a là des poètes humanitaires, des poètes du suffrage universel, des poètes abolitionnistes des lois sur les céréales, et des poètes qui veulent faire bâtir des work’houses. Je jure que je ne fais aucune allusion à des gens de ce pays-ci. Ce n’est pas ma faute si les mêmes disputes et les mêmes théories agitent différentes nations. Dans ses lectures, Poe leur déclara la guerre. 11 ne soutenait pas, comme certains sectaires fanatiques insensés de Goethe et autres poètes marmoréens et anti-humains, que toute chose belle est essentiellement inutile ; mais il se proposait surtout pour objet la réfutation de ce qu’il appelait spirituellement la grande hérésie poétique des temps modernes. Cette hérésie, c’est l’idée d’utilité directe. On voit qu’à un certain point de vue Edgar Foe donnait raison au mouvement romanliquefrançais. Il disait : « Notre esprit possède des facultés élémentaires dont le but est différent.