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En i83r, il publia un petit volume de poésies qui fut favorablement accueilli par les revues, mais que l’on n’acheta pas. C’est l’éternelle histoire du pre- mier livre. M. Lowell, un critique américain, dit qu’il y a, dans une de ces pièces, adressée à Hé- lène, un parfum d’ambroisie, et qu’elle ne dépare- rait pas l’Anthologie grecque. Il est question dans celte pièce des barques de Nicée, de naïades, de la jjloire et de la beauté grecques, et de la lampe de Psyché. Remarquons en passant le faible américain, littérature trop jeune, pour le pastiche. Il est vrai que, par son rythme harmonieux et ses rimes sonores, cinq vers, deux masculines et trois féminines, elle rappelle les heureuses tentatives du romantisme français. Mais on voit qu’Edgar Poe était encore bien loin de son excentrique et fulgu- rante destinée littéraire.

Cependant le malheureux écrivait pour les jour- naux, compilait et traduisait pour des libraires, fai- sait de brillants articles et des contes pour les revues. Les éditeurs les inséraient volontiers, mais ils j)ayaient si mal le pauvre jeune homme qu’il tomba dans une misère affreuse. Il descendit même si bas qu’il put entendre un instant crier les gonds des portes delà mort. Un jour, un journal de Baltimore proposa deux prix pour le meilleur poème et le meil- leur conte en prose. Un comité de littérateurs, dont faisait partie M. John Kennedy, fut chargé de juger les productions. Toutefois, ils ne s’occupaient guère de les lire ; la sanction de leurs noms était tout ce que leur demandait l’éditeur. Tout en causant de choses et d’autres, l’un d’eux fut attiré par un ma- nuscrit qui se distinguait par la beauté, la propreté et la netteté des caractères.A la fin desa vie, Edgar Poe