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tervention et le secours du consul américain, Henry Middleton,pour retourner chez lui. En 1829, il entra à l’école militaire de West-Point.Dans l’in- tervalle, M. Allan, dont la première femme était morte, avait épousé une dame plus jeune que lui d’ungrandnombred’années. Il avait alors soixante- cinq ans. On dit que M. Poe se conduisit malhon- nêtement avec la dame, et qu’il ridiculisa ce mariage. Le vieux gentleman lui écrivit une lettre fort dure, à laquelle celui-ci répondit par une lettre encore plus amère. La blessure était inguérissable, et, peu de temps après, M. Allan mourait, sans laisser un sou à son fils adoptif.

Ici je trouve, dans des notes biographiques, des paroles très mystérieuses, des allusions très obs- cures et très bizarres sur la conduite de notre futur écrivain. Très hypocritement, et tout en jurant qu’il ne veut absolument rien dije, qu’il y a des choses qu’il faut toujours cacher (pourquoi?), que dans de certains cas énormes le silence doit primer l’histoire, le biographe jette sur M. Poe une défa- veur très grave. Le coup est d’autant plus dange- reux qu’il reste suspendu dans les ténèbres. Que diable veut-il dire? Veut-il insinuer que Poe cher- cha à séduire la femme de son père adoptif? Il est réellement impossible de le deviner. Mais je crois avoir déjà suffisamment mis le lecteur en défiance contre les biographes américains. Ils sont trop bons démocrates pour ne pas haïr leurs grands hommes, et la malveillance qui poursuit Poe après la conclu- sion lamentable de sa triste existence rappelle la haine britannique qui persécuta Byron.

M. Poe quitta West-Point sans prendre ses gra- des, et commença sa désastreuse bataille de la vie.