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Brandsby à Richmond en 1822, et continua ses études sous la direction des meilleurs maîtres. Il était dès lors un jeune homme très remarquable par son agilité physique, ses tours de souplesse, et, aux séductions d’une beauté singulière, il joignait une puissance de mémoire poétique merveilleuse, avec la faculté précoce d’improviser des contes. En 1825, il entra à l’Université de Virginie, qui était alors un des établissements où régnait la plus grande dissipation. M. Edgar Poe se distingua parmi tous ses condisciples par une ardeur encore plus vive pourle plaisir. Il était déjà unélève très recommandable et faisait d’incroyables progrès dans les mathématiques ; il avait une aptitude singulière pour la physique et les sciences naturelles, ce qui est bon à noter en passant, car, dans plusieurs de ses ouvrages, on retrouve une grande préoccupation scientifique ; mais, en même temps déjà, il buvait, jouait et faisait tant de fredaines que, finalement, il fut expulsé. Sur le refus de M. Allan de payer quelques dettes de jeu, il fit un coup de tête, rompit avec lui et prit son vol vers la Grèce. C’était le temps de Botzaris et de la révolution des Hellènes. Arrivé à Saint-Pétersbourg, sa bourse et son enthousiasme étaient un peu épuisés ; il se fit une méchante querelle avec les autorités russes, dont on ignore le motif. La chose alla si loin qu’on affirme qu’Edgar Poe fut au moment d’ajouter l’expérience des brutalités sibériennes à la connaissance précoce qu’il avait des hommes et des choses [1]. Enfin, il se trouva fort heureux d’accepter l’in-

  1. La vie d’Edgar Poe, ses aventures en Russie et sa correspondance ont été longtemps annoncées par les journaux américains et n’ont jamais paru.