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demi-congés périodiques et les promenades, la cour de récréation avec ses querelles, ses passe-temps, ses intrigues, tout cela, par une magie psychique depuis longtemps oubliée, était destiné à envelopper un débordement de sensations, un monde riche d’incidents, un univers d’émotions variées et d’excitations les plus passionnées et les plus fiévreuses. Oh ! le beau temps que ce siècle de fer [1] !

Que dites-vous de ce morceau ? Le caractère de ce singulier homme ne se révèle-t-il pas déjà un peu? Pour moi, je sens s’exhaler de ce tableau de collège un parfum noir. J’y sens circuler le frisson des sombres années de la claustration. Les heures de cachot, le malaise de l’enfance chétive et abandonnée, la terreur du maître, notre ennemi, la haine des camarades tyranniques, la solitude du cœur, toutes ces tortures du jeune âge, Edgar Poe ne les a pas éprouvées. Tant de sujets de mélancolie ne l’ont pas vaincu. Jeune, il aime la solitude, ou plutôt il ne se sent pas seul ; il aime ses passions. Le cerveau fécond de V enfance rend tout agréable, illumine tout. On voit déjà que l’exercice de la volonté et l’orgueil solitaire joueront un grand rôle dans sa vie. Eh quoil ne dirait-on pas qu’il aime un peu la douleur, qu’il pressent la future compagne inséparable de sa vie, et qu’il l’appelle avec une âpreté lubrique, comme un jeune gladiateur? Le pauvre enfant n’a ni père ni mère, mais il est heureux ; il se glorifie d’être marqué profondément comme une médaille carthaginoise.

Edgar Poe revint de la maison du docteur

  1. Cette phrase est en français. Les ouvrages de Poe sont chargés de phrases françaises.