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première arrivée à l’école ou le départ définitif ; ou peut- être quand un ami, un parent nous ayant fait appeler, nous prenions joyeusement notre route vers le logis, à la Noël ou aux vacances de la Saint-Jean.

Mais la maison ! quelle jolie vieille bâtisse cela faisait ! Pour moi, c’était comme un vrai palais d’illusions. Il n’y avait réellement pas de fin à ses détours et à ses incom- préhensibles subdivisions. Il était difficile, à un moment donné, de dire avec certitude lequel de ses deux étages s’appuyait sur l’autre. D’une chambre à la chambrevoi- sine, on était toujours sûr de trouver trois ou quatre marches à monter ou à descendre. Puis les corridors latéraux étaient innombrables, inconcevables, tournaient et retournaient si souvent sur eux-mêmes que nos idées les plus exactes, relativement à l’ensemble du bâtiment, n’étaient pas très différentes de celles à l’aide desquelles nous essayons d’opérer sur l’infini. Durant les cinq ans de ma résidence, je n’ai jamais été capable de déterminer avec précision dans quelle localité lointaine était situé le petit dortoir qui m’était assigné en commun avec dix- huit ou vingt autres écoliers *.

La salle d’études était la plus vaste de toute la maison, et, je ne pouvais m’empêcher de le penser, du monde entier. Elle était très longue, très étroite, et sinistrement basse, avec des fenêtres en ogive et un plafond en chêne. Dans un angle éloigné et inspirant la terreur était une cellule carrée de huit ou dix pieds représentant le sanc- tuaire où se tenait plusieurs heures durant notre princi- pal, le révérend docteur Braudsby. C’était une solide construction, avec une porte massive que nous n’aurions jamais osé ouvrir en l’absence du maître ; nous aurions tous préféré mourir de la peine forte et f/ure. A d’autres angles étaient deux autres loges analogues, objets d’une vénération beaucoup moins grande, il est vrai, mais toutefois d’une frayeur assez considérable. L’une était la

  • Hallucination habituelle des yeux de l’enfance, qui agrandis-

sent et compliquent les objets.