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charmante. Un riche négociant de celle place, M. AUan, fut ému de pitié. Il s’enthousiasma de ce joU garçon, et, comme il n’avait pas d’enfants, il l’adopta. Edgar Poe fut ainsi élevé dans une belle aisance, et reçut une éducation complète. En 1816, il accompagna ses parents adoptifs dans un voyage qu’ils firent en Angleterre, en Ecosse et en Irlande. Avant de retourner dans leur pays, ils le laissèrent chez le docteur Brandsby, qui tenait une importante maison d’éducation à Stoke-Newinglon, près de Londres, où il passa cinq ans.

Tous ceux qui ont réfléchi sur leur propre vie, qui ont souvent porté leurs regards en arrière pour comparer leur passé avec leur présent, tous ceux qui ont pris l’habitude de psychologiser facilement sur eux-mêmes savent quelle part immense l’ado- lescence tient dans le génie définitif d’un iiomme. C’est alors que les objets enfoncent, profondé- ment leurs empreintes dans l’esprit tendre et facile ; c’est alors que les couleurs sont voyantes, et que les sens parlent une langue mystérieuse. Le carac- tère, le génie, le style d’un homme est formé par les circonstances en apparence vulgaires de sa pre- mière jeunesse. Si tous les hommes qui ont occupé la scène di monde avaient noté leurs impressions d’enfance, que^ excellent dictionnaire psychologi- que nous posséderions ! Les couleurs, la tournure d’esprit d’Egard Poe tranchent violemment sur le fond de la littérature américaine. Ses compatriotes le trouvent à peine Américain, et cependant il n’est pas Anglais. C’est donc une bonne fortune que de ramasser, dans un de ses contes, un conte peu connu, William Wilson,m\ singulier récit de sa vie à celte école de Stoke-Newington. Tous les contes