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vouées à l’autel, sacrées, pour ainsi dire, et qui doivent marcher à la mort et à la gloire à travers un sacrifice permanent d’elles-mêmes? Le cau- chemar des Ténèbres enveloppera-t-il toujours ces âmes d’éhte?En vain elles se défendent, elles pren- nent toutes leurs précautions, elles perfectionnent la prudence. Bouchons toutes les issues, fermons laporle à double tour, calfeutrons lesfenêtres. Ohl nous avons oublié le trou de la serrure ; le Diable est déjà entré.

Leur chien même les mord et leur donne la rage. Un ami jurera qu’ils ont trahi le roi.

Alfred de Vigny a écrit un livre pour démontrer que la place du poète n’est ni dans une république, ni dans une monarchie absolue , ni dans une monarchie constitutionnelle ; et personne ne lui a répondu.

C’est une bien lamentable tragédie que la vie d’Edgar Poe, et qui eut un dénouement dont l’hor- rible est augmenté par le trivial. Les divers docu- ments que je viens de lire ont créé en moi cette persuasion que les Etats-Unis furent pour Poe une vaste cage, un grand établissement de comptabilité, et qu’il fit toute sa vie de sinistres efforts pour échappera l’influence de cette atmosphère antipa- thique. Dans l’une de ces biographies il est dit que, si M. Poe avait voulu régulariser son génie et appliquer ses facultés créatrices d’une manière plus appropriée au sol américain, il aurait pu être un auteur à argent, a making-money aiithor ; qu’après tout les temps ne sont pas si durs pour l’homme de talent, qu’il trouve toujours de quoi vivre, pourvu qu’il ait de Tordre et de l’économie,