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soient, raisonnent moins bien que l’homme, ou l’humanité en langue socialiste ; si bien que Jésus-Christ lui-même, rentrant dans la nuit incréée, il ne reste plus à la nouvelle humanité que de chanter les louanges du nouveau régime, basé uniquement sur la science et la force.

Total : L’Athéisme.

C’est fort bien, et nous ne demanderions pas mieux que d’y souscrire, si cela était gai, aimable, séduisant et nourrissant.

Mais nullement ; M. de Senneville a esquivé le culte de la Nature, cette grande religion de Diderot et d’Holbach, cet unique ornement de l’athéisme.

C’est pourquoi nous concluons ainsi : À quoi bon la poésie philosophique, puisqu’elle ne vaut, ni un article de l’Encyclopédie, ni une chanson de Désaugiers ?

Un mot encore : — le poète philosophique a besoin de Jupiter, au commencement de son poème, Jupiter représentant une certaine somme d’idées ; à la fin, Jupiter est aboli. — Le poète ne croyait donc pas à Jupiter !

Or, la grande poésie est essentiellement bête, elle croit, et c’est ce qui fait sa gloire et sa force.

Ne confondez jamais les fantômes de la raison avec les fantômes de l’imagination ; ceux-là sont des équations, et ceux-ci des êtres et de souvenirs.

Le premier Faust est magnifique, et le second mauvais. — La forme de M. de Senneville est encore vague et flottante ; il ignore les rimes puissamment colorées, ces lanternes qui éclairent la route de l’idée ; il ignore aussi les effets qu’on peut tirer d’un certain nombre de mots, diversement combinés. — M. de Senneville est néan-