L’IVROGNE (I)
[Lettre à J.-H. Tisserant.]
Samedi, 28 Janvier 1854.
Quoique ce soit une chose importante, je n’ai pas encore songé au titre ? Le Puits? L’Ivrognerie? La Pente du mal? etc..
Ma principale préoccupation, quand je commençais à rêver à mon sujet, fut : à quelle classe, à quelle profession doit appartenir le personnage principal de la pièce ? — J’ai décidément adopté une profession lourde, triviale, rude : le scieur de long. Ce qui m’y a presque forcé, c’est que j’ai une chanson dont l’air est horriblement mélancolique, et qui ferait, je crois, un magnifique effet au théâtre, si nous mettons sur la scène le lieu ordinaire du travail, ou surtout si, comme j’en ai une immense envie, je développe au troisième acte le tableau d’une goguette lyrique ou d’une lice chansonnière. Cette chanson est d’une rudesse singulière. Elle commence par :
Rien n’est aussi-z-aimable,
Fanfru-cancru-lon-la-lahira,
Rien n’est aussi-z-aimable
Que le scieur de long.
(I) Charles Baudelaire, Souvenirs, Correspondances, etc., op. cit. ; — pour le complément de cette lettre, v. Lettres.