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PROJETS D’UNE PRÉFACE
POUR LA SECONDE ÉDITION DES FLEURS DU MAL[1]


[Première version.]

Ce n’est pas pour mes femmes, mes filles ou mes sœurs que ce livre a été écrit ; non plus que pour les femmes, les filles ou les sœurs de mon voisin. Je laisse cette fonction à ceux qui ont intérêt à confondre les bonnes actions avec le beau langage.

Je sais que l’amant passionné du beau style s’expose à la haine des multitudes ; mais aucun respect humain, aucune fausse pudeur, aucune coalition, aucun suffrage universel ne me contraindront à parler le patois incomparable de ce siècle, ni à confondre l’encre avec la vertu.

Des poètes illustres s’étaient partagé depuis

  1. Eugène Crépet, op. cit.

    Ces trois projets manuscrits de préface, rassemblés par Poulet-Malassis dans un cartonnage in-folio qui contenait également la page détachée et la pièce de vers que nous donnons à la suite, avaient déjà été publiés, pour d’importants fragments, par M. Octave Uzanne (le Livre, 10 mars 1881) et par Charles Asselineau dans son Charles Baudelaire, sa vie et son œuvre. (Paris, Alph. Lemerre, 1869). Baudelaire entendait y protester publiquement contre l’arrêt qui avait frappé les Fleurs du Mal (20 août 1857), et y confondre l’injustice de l’opinion. La pusillanimité — ou la prudence — de l’éditeur obtint cependant que la seconde édition parût sans préface (1861). — V. Charles Baudelaire, Lettres (op. cit., 12 juillet 1860 notamment).