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Le commerce est, par son essence, satanique. Le commerce, c’est le prêté-rendu, c’est le prêt avec le sous-entendu : Rends-moi plus que je ne te donne.

— L’esprit de tout commerçant est complètement vicié.

— Le commerce est naturel, donc il est infâme.

— Le moins infâme de tous les commerçants, c’est celui qui dit : « Soyons vertueux pour gagner beaucoup plus d’argent que les sots qui sont vicieux ». Pour le commerçant, l’honnêteté elle-même est une spéculation de lucre. Le commerce est satanique, parce qu’il est une des formes de l’égoïsme, et la plus basse, et la plus vile.

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Quand Jésus-Christ dit : « Heureux ceux qui sont affamés, car ils seront rassasiés ! » Jésus-Christ fait un calcul de probabilités.

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Le monde ne marche que par le malentendu. C’est par le malentendu universel que tout le monde s’accorde. Car si, par malheur, on se comprenait, on ne pourrait jamais s’accorder.

L’homme d’esprit, celui qui ne s’accordera jamais avec personne, doit s’appliquer à aimer la conversation des imbéciles et la lecture des mauvais livres. Il en tirera des jouissances amères qui compenseront largement sa fatigue.