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Sentiment de solitude, dès mon enfance. Malgré la famille, et au milieu des camarades, surtout, — sentiment de destinée éternellement solitaire.

Cependant, goût très vif de la vie et du plaisir.


Presque toute notre vie est employée à des curiosités niaises. En revanche, il y a des choses qui devraient exciter la curiosité des hommes au plus haut degré, et qui, à en juger par leur train de vie ordinaire, ne leur en inspirent aucune.

Où sont nos amis morts ? Pourquoi sommes-nous ici ? Venons-nous de quelque part ? Qu’est-ce que la liberté ? Peut-elle s’accorder avec la loi providentielle ? Le nombre des âmes est-il fini ou infini ? Et le nombre des terres habitables ? etc., etc...

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Les nations n’ont de grands hommes que malgré elles. Donc, le grand homme est vainqueur de toute sa nation.

Les religions modernes ridicules : Molière, Béranger, Garibaldi.

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La croyance au progrès est une doctrine de paresseux, une doctrine de Belges. C’est l’individu qui compte sur ses voisins pour faire sa besogne. Il ne peut y avoir de progrès (vrai, c’est-à-dire moral) que dans l’individu et par l’individu lui-même. Mais le monde est fait de gens qui ne peuvent penser qu’en commun, en bandes. Ainsi les Sociétés belges. Il y a aussi des gens qui ne peuvent s’amu-