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Nous avons également observé une Inondation, de M. Eugène Lavieille, qui témoigne, chez cet artiste, d’un progrès assidu, même après ses excellents paysages d’hiver. M. Lavieille a accompli une tâche difficile et qui effrayerait même un poète; il a su exprimer le charme infini, inconscient, et l’immortelle gaîté de la nature dans ses jeux les plus horribles. Sous le ciel plombé et gonflé d’eau comme un ventre de noyé, une lumière bizarre se joue avec délices, et les maisons, les fermes, les villas, enfoncées dans le lac jusqu’à moitié, ont l’air de se regarder complaisamment dans le miroir immobile qui les environne.

Mais la grande fête dont il faut, après M. Delacroix toutefois, remercier M. Martinet, c’est le Sardanapale. Bien des fois, mes rêves se sont remplis des formes magnifiques qui s’agitent dans ce vaste tableau, merveilleux lui-même comme un rêve. Le Sardanapale revu, c’est la jeunesse retrouvée. A quelle distance en arrière nous rejette la contemplation de cette toile! Epoque merveilleuse où régnaient en commun des artistes tels que Devéria, Gros, Delacroix, Boulanger, Bonnington, etc., la grande école romantique, le beau, le joli, le charmant, le sublime!

Une figure peinte donna-t-elle jamais une idée plus vaste du despote asiatique que ce Sardanapale à la barbe noire et tressée, qui meurt sur son bûcher, drapé dans ses mousselines, avec une attitude de femme? Et tout ce harem de beautés si éclatantes,