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Son regard n’était pas nonchalant, ni timide,
Mais exhalait plutôt quelque chose d’avide,
Et, comme sa narine, exprimait les émois

Des artistes devant les œuvres de leurs doigts.

Ta jeunesse sera plus féconde en orages
Que cette canicule aux yeux pleins de lueurs
Qui sur nos fronts pâlis tord ses bras en sueurs,
Et soufflant dans la nuit ses haleines fiévreuses,
Rend de leurs frêles corps les filles amoureuses,
Et les fait au miroir, stérile volupté,
Contempler les fruits mûrs de leur virginité.

Mais je vois à cet œil tout chargé de tempêtes
Que ton cœur n’est pas fait pour les paisibles fêtes,
Et que cette beauté, sombre comme le fer,
Est de celles que forge et que polit l’Enfer
Pour accomplir un jour d’effroyables luxures
Et contrister le cœur des humbles créatures.

Affaissant sous son poids un énorme oreiller,
Un beau corps était là, doux à voir sommeiller,
Et son sommeil orné d’un sourire superbe

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L’ornière de son dos par le désir hanté.

L’air était imprégné d’une amoureuse rage ;
Les insectes volaient à la lampe et nul vent
Ne faisait tressaillir le rideau ni l’auvent.
C’était une nuit chaude, un vrai bain de jouvence.