il moins vrai qu’avec le compas le meilleur possible, et l’attention et l’habitude la plus grande possibles, on décrit le cercle le plus cercle qu’il soit possible, c’est-à-dire, le moins éloigné de l’idée métaphysique d’une circonférence, dont tous les points sont également éloignés du centre ? Idée métaphysique, c’est-à-dire impossible à réaliser. En est-il moins vrai que ce cercle tout idéal sert de regle fondamentale à tous les autres, et qu’il les juge tous, depuis le cercle le plus informe que trace la main incertaine d’un enfant ou d’un vieillard, jusqu’à celui que décrit avec le plus parfait des compas le géometre le plus exercé ? En est-il moins vrai que c’est une montre totalement idéale et impossible à réaliser, qui a jugé, qui juge et jugera toutes les montres physiques faites et à faire, et qui a marqué la différence entre la plus détraquée et le meilleur chef-d’œuvre de Julien Leroi ? En est-il moins vrai que c’est sur un modele idéal et imaginaire, qu’on pense et qu’on dit, cette plante, cet arbre, cet animal est beau, est bon, est plus beau, est meilleur ; que c’est d’après une chimere qu’on décide du titre de l’or et de l’argent qui sont entre nos mains ? En concluez-vous que toutes les regles de géométrie, de méchanique, de physique, de chymie, sont absolument fausses et inutiles, qu’il n’y a point de différence entre les cercles, entre les machines de l’art, entre les productions naturelles, entre les êtres vivants, entre les métaux ; que tout est égal et doit être fait ou pris au hasard ? Ce seroit évidemment le comble du délire. Eh ! Pourquoi, s’il vous plaît, voudriez-vous que l’art d’organiser les sociétés humaines n’eût pas comme les autres, pour patron ou pour modele, une idée métaphysique de perfection impossible à réaliser dans son tout complet et absolu, mais dont l’ignorance et la maladresse nous éloignent plus, dont la science et l’exercice nous approchent davantage ? La santé parfaite d’un homme est aussi une chimere toute métaphysique, elle n’existera jamais ; donc il ne faut point mettre de différence entre l’état de l’homme qui est actuellement le plus près de la mort, et de celui qui jouit de la meilleure constitution. Il en est de même de tout ce qu’on voit, de tout ce qu’on peut imaginer : comment des hommes raisonnables, des philosophes ont-
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