Une portion sagement déterminée du [365] revenu clair et liquide des fonds de terre, procure une richesse publique évidemment supérieure à toute richesse privée, par conséquent une puissance prédominante et souveraine, qui s’accroît sans cesse par le bon usage qu’en fait l’autorité.
Mais comment empêcher l’abus de cette puissance, ou le mauvais emploi des forces qu’elle rassemble ? C’est la seconde partie du problême.
Dans toutes les contrées du monde connu, dans toutes les époques des Histoires qui nous restent, on a vu les hommes s’agiter pour la solution de cette grande question politique.
C’est uniquement pour cet objet important que furent instituées toutes les Républiques anciennes et modernes, que furent consacrés les contrepoids politiques, ou les contreforces qu’on appelle aussi pouvoirs intermédiaires ; que furent enfin invoquées, et pour ainsi [366] dire sanctifiées, les Loix qu’on appella fondamentales dans les différents Empires.
Toutes ces inventions caractérisent les États mixtes, qui ne sont ni le despotisme arbitraire, ni la Monarchie économique.
Je les appelle mixtes, parceque leurs constitutions mobiles et arbitraires peuvent remplir tout l’intervalle qui se trouve entre le despotisme arbitraire proprement dit, qui est le comble du désordre et de l’injustice, et la vraie monarchie, qui est la perfection de la justice par essence, et de l’ordre naturel de bienfaisance.
D’où il résulte que les institutions caractéristiques d’un État mixte sont d’autant plus préjudiciables qu’elles s’écartent plus de la monarchie économique.
Vivement frappés des maux qu’entraîne l’abus des richesses et des forces combinées pour le service de la vérita[367]ble autorité, les hommes ont cherché les moyens d’empêcher cet abus ; ils en ont inventé mille especes différentes, totalement inutiles, et ont négligé le seul véritablement efficace, qui est l’enseignement public, général et continuel de la loi de justice par essence, de l’ordre naturel de bienfaisance.
Tous les autres moyens, tels que les formes républicaines, les contreforces politiques et la réclamation des loix humaines et positives, appellées fondamentales, sont des remedes insuffisants pour arrêter les abus de la force prédominante, destinée à servir l’autorité véritable, instruisante, protégeante et administrante.