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premierement, le despote lui-même ; secondement ses mandataires ; troisiemement, ses simples sujets, soit propriétaires, soit cultivateurs, soit agents de la classe stérile. Premierement donc le despote arbitraire croit être tout, parcequ’il le dit, et parcequ’on le lui fait croire ; mais il n’est rien dans le fait au physique et au moral, pour peu que son empire s’étende au-delà de certaines bornes très étroites, et porte sur une certaine quantité d’individus. Un homme fort, courageux, actif, intelligent et bien armé, peut au moyen de beaucoup de peines et de sollicitudes s’asservir réellement et physiquement pour quelque temps un petit troupeau de créatures humaines, foibles, timides, ignorantes, paresseuses, désarmées. Ces êtres subjugués dépendront effectivement de ses volontés à lui seul : il sera tout vis-à-vis d’elles. Mais si le troupeau se multiplie trop, s’il s’éloigne, ce n’est plus de la volonté personnelle du maître, c’est de celle du mandataire qu’il dépend à chaque instant. C’est ainsi que dans la réalité les despotes arbitraires ne commandent qu’aux femmes, aux eunuques, aux visirs de leurs palais seulement, parcequ’ils sont sous leurs mains : ceux-ci commandent seulement aux pachas, aux cadis ; mais les cadis commandent aux peuples. Quand un habitant de Smyrne obéit, c’est à la volonté du cadi, à la force de ses satellites ; et cette volonté, fût-elle directement contradictoire à celles du sultan, du visir, du pacha (ce qui arrive souvent), l’habitant obéiroit. Il est impossible d’organiser autrement le despotisme arbitraire. Ce sont de degrés en degrés les volontés et les forces intermédiaires qui dominent par des ordres absolus. Jusqu’à la vérification, il reste toujours problématique, si le commandement qui s’exécute est celui du despote lui-même, si ce n’est pas précisément le contraire. Tout est donc sans cesse dans le trouble et l’incertitude respective parmi ceux qui commandent. Des ordres qu’on n’a pu prévoir, qu’on ne peut pas juger, puisqu’ils n’ont ni regle ni mesure : des ordres qu’on n’est jamais assuré de bien connoître, puisqu’ils passent par des organes infideles, qui ont souvent intérêt à les dénaturer : des ordres qu’on n’est jamais assuré de faire exécuter, parcequ’on est obligé