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le mort s’est trompé d’étage

LE MORT S’EST TROMPÉ D’ÉTAGE 85 si, par bonheur, ma seconde femme ne m’avait donné un fils. Mais tu le sais, ça, je t’ai sûrement annoncé la naissance de Maxime. Les filles doivent être grandes, à présent. = Hé ! oui. Aujourd’hui Évelyne a vingt ans et Bobette en a seize. Quant à Denise, ma femme, c’est une créature adorable. Elle s’était mariée très jeune, elle a trente-quatre ans à peine et elle éclipse les deux petites. Et toi ? Raconte un peu. Oui, je sais le commencement. Sitôt ton diplôme d’ingénieur des Mines en poche, tu as voulu goûter de la colonie et tu es parti pour Madagascar. Je t’avoue qu’alors tu m’as épaté. Je te connaissais si tranquille, presque casanier, je ne te eroyais pas accessible à la tentation de l’aventure. Et de nous deux, c’est moi qui suis devenu le bon papa bourgeois et toi le conquistador ! Ils rirent tous deux. Lucien alors parla de ses débuts difficiles, puis de son achat pour un prix dérisoire de terrains dédaignés, mais que son flair lui révélait riches de possibilités. Son flair et aussi de savantes déductions géologiques ! Bref, il avait mis la main sur de magnifiques gisements de pierres précieuses. Depuis un moment, l’auto avait pris la route de Temniac, au flanc du coteau verdoyant qui s’éle- vait, semé de bouquets d’arbres et de maisons rus- tiques, par lents ressauts jusqu’à la crête. Avant de l’atteindre, la voiture obliqua vers la gauche, où sur une large terrasse rocheuse apparaissait, ombragé de quelques acacias centenaires qui s’in- clinaient sous le poids des ans sans rien perdre de leur grâce, un petit château irrégulier, à deux ailes en équerre, qui enserraient entre elles une grosse