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ou la colere de Diane a troublé le cerveau ; on fuit de même, quand on est sage, & on craint de toucher un Poëte Fou de lui-même & de ses productions. Il n’y a que les enfans, & ceux qui ne savent pas le danger, qui le suivent & l’approchent. Si donc, lors qu’il enfante sans douleur ses vers sublimes, & qu’il marche, comme les guetteurs de merles, sans voir à ses pieds, il tombe dans un puits, ou dans une fosse profonde, & que, d’une voix plaintive, il s’écrie : Au secours, chers citoyens, au secours ! que personne ne s’avise de l’en tirer. Si, par pitié, quelqu’un vouloit lui jeter une corde pour l’aider à sortir de là, Que savez-vous, lui dirois-je, s’il ne s’y est point jeté exprès, & s’il veut qu’on le sauve ? Et je lui raconterois l’aventure du Poëte Empedocle, qui, voulant se faire passer pour un dieu, sauta, de sang froid, dans l’Etna enflammé. Qu’il soit permis à un Poëte de se détruire. Le sauver malgré lui, c’est autant que de le tuer. Ce n’est point la premiere fois qu’il l’a fait : & si on le retire, il ne s’en résoudra pas plus à n’être qu’un homme, & à mourir