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ON ALLÀ plus loin. Le Poëte tragique, qui jadis avoit obtenu pour prix un bouc, montra des Satyres nuds, & essaya de faire rire, même en conservant la gravité de son genre ; parce qu’il falloit retenir par le charme de quelque nouveauté, un spectateur qui revenoit des sacrifices, plein de vin, & incapable de se tenir dans les bornes. Mais si on veut introduire sur la scène des Satyres rieurs & mordans, & allier le sérieux avec le plaisant, il faudra prendre garde que l’acteur tragique, soit dieu, soir héros, qui figure avec le Satyre, & qui un moment auparavant étaloit l’or & la pourpre des rois, n’aille point tout à coup, par un style bas & ignoble, entrer dans les boutiques du petit peuple, ou que, voulant éviter la bassesse, il ne se perde dans le vide, & n’embrasse les nues. La Tragédie ne doit jamais avilir son style ; & quand elle se trouve vis-à-vis d’un Satyre, elle doit au moins laisser paroître l’embarras qu’éprouve une dame de qualité, qui est obligée de danser dans les fêtes publiques.