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ne seroit rempli que d’idées vagues, sans dessein, comme les delires d’un malade, où ni les pieds, ni la tête, ni aucune des parties n’iroit à former un tout. Les Peintres direz-vous & les Poëtes, ont toujours eu la permission de tout oser. Nous le savons : c’est un droit que nous nous demandons & que nous nous accordons mutuellement. Mais c’est à condition qu’on n’abusera point de ce droit, pour allier ensemble les contraires, & qu’on n’accouplera point les serpens avec les oiseaux, ni les agneaux avec les tigres. Quelquefois après un début pompeux & qui promet les plus grandes choses, on étale un ou deux lambeaux de pourpre, qui brillent au loin : c’est un bois sacré qu’on décrit, ou quelque autel de Diane, ou les détours d’un ruisseau qui fuit dans les riantes prairies, ou les flots du Rhin, ou l’arc céleste formé par la pluie ; mais ce n’étoit pas le lieu. Vous savez peindre un cyprès. Celui qui vous paie pour le peindre a brisé son vaisseau & va périr dans les mers. Vous avez commencé un vase majestueux : la roue tourne, & vous ne donnez qu’une chetive burette. Enfin quelque