Page:Batteux - Les Beaux-Arts réduits à un même principe.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

En effet ce merveilleux plairoit-il, s’il n’étoit point conforme au vrai et qu’il ne fût que l’ouvrage d’une imagination égarée ? rien n’est beau que le vrai. Homere m’enchante, mais ce n’est point quand il me montre un fleuve qui sort de son lit pour courir après un homme, & que Vulcain accourt en feu pour forcer ce fleuve à rentrer dans ses bords. J’admire Virgile, mais je n’aime point ces vaisseaux changés en nymphes. Qu’ai-je affaire de cette forêt enchantée du Tasse, des hippogriffes de l’Arioste, de la génération du péché mortel dans Milton ? Tout ce qu’on me présente avec ces traits outrés & hors de la nature, mon esprit le rejette : incredulus odi. La nature n’a pas guidé le pinceau. Cependant j’aimerois mieux ces écarts, pourvu qu’ils fussent d’un moment ; que la retenue toujours glacée, & la triste sagesse d’un auteur