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BATOUALA

gence caractérisait le nègre, il n’y aurait que fort peu d’Européens.

Ce roman est donc tout objectif. Il ne tâche même pas à expliquer : il constate. Il ne s’indigne pas : il enregistre. Il ne pouvait en être autrement. Par les soirs de lune, allongé en ma chaise-longue, de ma véranda, j’écoutais les conversations de ces pauvres gens. Leurs plaisanteries prouvaient leur résignation. Ils souffraient et riaient de souffrir.

Ah ! Monsieur Bruel, en une compilation indigeste et savante, vous avez pu déclarer que la population de l’Oubangui-Chari s’élevait à 1.350.000 habitants. Mais que n’avez-vous dit, plutôt, que dans tel petit village de l’Ouahm, en 1918, on ne comptait plus que 1.080 individus sur les 10.000 que l’on avait recensés, sept ans auparavant ? Vous avez parlé de la richesse de cet immense pays. Que n’avez-vous dit que la famine y était maîtresse ?

Je comprends. Oui, qu’importe à Sirius que dix, vingt ou même cent indigènes aient cherché, en un jour d’innommable détresse, parmi le crottin des chevaux appartenant aux rapaces qui se prétendent leurs bienfaiteurs, les grains de maïs ou de mil non digérés dont ils devaient faire leur nourriture !