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EDWIGE, (quand Bouguet se rapproche d’elle et à voix basse.)

Je vais aller trouver Madame Bouguet, je vais lui dire que j’accepte avec joie, que…

BOUGUET, (du geste, la faisant se rasseoir. Son ton est subitement changé.)

Non, mon enfant, non reste… Cette fois, c’est moi qui dis non. Tu viens de prononcer de très graves paroles, très graves… tu ne les as pas dites à la légère… Elles ouvrent tout à coup en moi, dans leur brutalité, un jour qu’il faut que je considère.

EDWIGE.

Je les disais sans les penser, ces paroles de colère.

BOUGUET.

Allons donc ! On pense toujours ce qu’on dit… Et qui sait si ce n’est pas toi qui as raison ? Qu’en sais-je, après tout ?… Oui, ai-je le droit de pousser à ces événements et d’imposer, au plus cher de mes amis, un avenir qui ne se réalisera peut-être pas ?… Pourtant, ma parole, je ne croyais rien faire d’injuste, rien de mal !… Mais, voilà… le problème du mal n’est pas pour moi le même que pour la plupart des hommes. Le mal, je le vois dans la vie, je le poursuis de toutes mes forces, je le traque. (Désignant sa table de travail.) Mais ce n’est pas le même adversaire !… De la meilleure foi du monde, je suis peut-être un malhonnête homme.

EDWIGE.

Quelle folie ! Vous, le meilleur de tous !

BOUGUET, (simplement.)

C’est toi qui viens de le dire, mon enfant !…