Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de mon existence, je me suis demandé si j’avais toujours été la femme qu’il te fallait… C’est très beau d’être ta compagne, ton associée, et tu daignes faire de moi ton égale… mais je n’ai peut-être pas satisfait pleinement tes ambitions, tes rêves… À force d’être simple, d’être nature, de dédaigner soi-même son apparence physique, on se dépouille d’un charme peut-être nécessaire. Je sais bien, j’ai mon front. (Elle le relève fièrement.) Mais, tu vois, je n’ai même plus mes mains… tout abîmées par les réactifs, les acides… Tu as peut-être caché d’autres désirs, des exigences masculines que tu as préféré ne pas m’avouer…

BOUGUET, (brusquement se lève.)

Allons, allons, en voilà assez !… Tu m’émeus et tu m’irrites à la fois. Je dis non ; c’est non… et voilà tout. Une pareille conversation sort de nos habitudes et ne doit pas y rentrer.

MADAME BOUGUET, (avec joie.)

C’est non, bien non ? Ah ! mais, alors, cela ne va pas se passer ainsi !

BOUGUET.

Que veux-tu dire ?

MADAME BOUGUET.

Que toute ma colère, mon indignation, vont éclater, cette fois… Tu veux le savoir ? On t’accuse de toutes parts. On insulte mon mari… La maison entière, paraît-il… est remplie de cet écho… Oui, on en parle et on nous en éclablousse…

BOUGUET.

Et c’est aujourd’hui que tu m’avertis, aujourd’hui seulement !

MADAME BOUGUET.

Oui, parce que jusqu’ici j’avais repoussé la