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lit tout à coup d’une autre source, et me donne l’occasion d’être utile à ce que j’ai tant chéri, et qui allait sombrer dans l’infamie !… C’est une résurrection ! Hier c’était la mort, aujourd’hui c’est subitement la vie. Et voyez comme la Providence est charitable pour nous deux, puisqu’elle permet que nous nous retrouvions dans une région supérieure à nous-mêmes, un terrain inconnu de nous jadis, et où il ne peut être question de nos corps ni de ce qui nous a fait tant souffrir !… Il n’y a plus que nos pauvres âmes misérables, Julien !… ah ! oui, très misérables ! La Providence fait bien les choses ! (Elle s’approche, se penche, la main sur l’épaule de Julien.) Comprenez-moi. C’est relever votre âme et la sauver que je veux, Julien ! Si vous étiez croyant, vous comprendriez que plus le sacrifice est bas, plus l’âme y puise sa lumière !… Je crois à la vertu qui sauve, comme je crois en Dieu !

(Elle est là, près de lui, maternelle, persuasive.)
JULIEN.

Je comprends par quels chemins de remords vous voulez m’entraîner au bien !… Mais cette régénération comment l’atteindrais-je ? Tout seul !… (Timidement.) Ah ! si je pouvais compter sur une aide morale de votre part, si je pouvais vous voir, vous parler… si vous m’apportiez de temps en temps le secours de votre présence, de votre influence… Il ne s’agirait plus alors seulement d’une aide matérielle… En un mot, si j’étais encore votre élève !…

FRÉDÉRIQUE, (très simple.)

Mais ce n’est pas impossible !

JULIEN, (d’une voix changée.)

Vrai ?… Vous entreverriez la possibilité ?…