Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

FRÉDÉRIQUE, (elle pleure, très simplement, comme une créature faible, douce et qui a un grand chagrin, une immense émotion.)

Moi, je vous avais revu à une représentation au théâtre. M’avez-vous aperçue ?

JULIEN.

Oh ! je crois bien ! Vous étiez devant moi à l’orchestre… une ou deux fois vous avez regardé les loges à votre gauche, sans doute pour que je puisse voir tout votre profil. Je sentais que vous sentiez mon regard.

FRÉDÉRIQUE.

Et puis une fois dans la rue Boissière… vous étiez avec votre femme… Ç’a été tout.

JULIEN.

Pour vous… Mais, d’autres fois, je vous ai aperçue… Souvent, le soir, vers minuit, je suis repassé en flânant devant votre hôtel… Que de fois j’ai regardé votre chambre… les lamelles des persiennes… la lampe japonaise près de la croisée !

FRÉDÉRIQUE.

C’est vrai ?

JULIEN.

Par moments, Paris se réduit à deux choses : la maison que vous habitez et la mienne… D’autre fois on se sent séparé par des infinis !

FRÉDÉRIQUE.

Oui, n’est-ce pas ? Le souvenir est intermittent. Heureusement ! Cela vient sans doute de ce qu’on n’a pas toujours le courage voulu, ou l’imagination suffisante, pour recréer la vie de l’autre. Tenez, quand on me parlait de vous de cette