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plus… Qu’est-ce que tu as, maman, tu souffres ?… Tu parais dans un état !…

LIANE.

Je me demande ce que ça peut bien te faire, grand Dieu !…

MAURICE.

Ça dépend comment tu l’entends…

LIANE.

Que j’aie du chagrin… que je crève ! Ah ! bien, oui !… pourvu que je serve à tout le monde !

(Elle a dit cette phrase dernière de toute sa fureur.)
MAURICE, (rougissant légèrement.)

Tu es injuste, maman… Je ne sais ce qui peut te bouleverser ainsi, et je ne me permettrais pas de te le demander, mais sois sûre que cela me fait peut-être plus de peine que tu ne l’imagines. Je ne me permets pas de te poser une question… pas plus d’ailleurs que je me suis permis jamais de t’en poser, mais sois certaine que si tu n’es pas aussi heureuse que je le croyais…

LIANE, (l’interrompant en éclatant.)

Heureuse !… Naturellement ! Parce que je ris… J’ai toujours été comme ça : je ris… c’est de la façade… On ne peut pas deviner… J’ai toujours eu à défendre mon bonheur, au contraire. Je l’ai toujours senti menacé, et avais-je raison !… Ah ! ce qu’il faut se défendre, dans l’existence ! Il faut lutter contre tous ! Personne ne vous aime ! D’abord, je n’ai jamais eu de veine dans ma vie !…

MAURICE, (avec un sourire.)

Maman !…

LIANE, (se lève.)

Oui, toi aussi, bien sûr !… Ils sont étonnants !