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LIANE.

C’est ce qui vous trompe. Le roman n’est pas lu pour moi, Lorédan ! Il est de ces hommes qui, dès le premier regard, vous jettent un voile sur le cœur pour le reste de vos jours. Est-ce que j’ai hésité à tout quitter pour lui ? Il n’avait pourtant pas encore perdu sa femme à cette époque. Je ne pouvais même pas espérer une liaison durable, eh bien, je me suis retirée du jour au lendemain de la galanterie. J’ai vendu mon hôtel, j’ai vendu mes bijoux.

LORÉDAN.

Il vous les a tellement rachetés depuis !

LIANE, (avec un grand soupir.)

Ah ! il a racheté tous mes bijoux et tous mes péchés.

LORÉDAN.

Tout de même, si vous n’aviez pas rencontré ce Messie galetteux, je songe à l’admirable courtisane que vous auriez faite… Quelle perte pour Cythère !…

LIANE.

Moi ! Allons donc ! j’étais bête comme les lapins que j’ai montrés au cirque ! C’est lui seul qui m’a faite !…

LORÉDAN.

Exigez donc qu’il vous épouse.

LIANE.

Je ne peux pas lui demander des choses irréalisables.

LORÉDAN.

Tout homme qui n’a pas donné son nom à une femme ne lui a rien donné.