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ne m’est jamais arrivée ! Et alors, vous vous êtes raccrochée ?

HENRIETTE.

Éperdument… à un saule… Je me suis séchée au soleil et, à trois cents mètres de là, j’ai retrouvé mon costume.

JUSSIEUX.

Je vous vois descendant des pentes de la montagne… fourrageant dans les vignes, aux vendanges ?

HENRIETTE.

Je n’y allais pas.

JUSSIEUX.

Mais si, je vous y ai vue… Ne dites pas non… Vous coupiez les raisins avec vos petites dents blanches quand ils résistaient ! Ah ! si j’avais été là, je vous aurais bien forcée à rire et à faire l’enfant fou.

HENRIETTE.

Bah ! ce soir je me suis un peu plus animée que de coutume. Et votre conversation, Monsieur, est la bienvenue… Je n’ai pas ouvert la bouche à qui que ce soit depuis trois jours, oui… je ne suis pas sortie de la maison.

JUSSIEUX.

À ce point. Chagrin, chagrin ?

HENRIETTE.

Alors, je m’amuse un peu, ce soir, le monde, la musique… j’oublie, je m’étourdis. Descendons… Passez-moi l’éventail… Dites-moi, mais ce doit être une impression très pénible de retrouver une personne qu’on n’a pas vue depuis vingt-sept ans ?