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fauteuil… Oh ! je vous demande pardon, je sens que ce Monsieur inconnu doit vous paraître idiot, mais son émotion est si naturelle.

HENRIETTE, (souriant sympathiqueinent devant cette volubilité et ce trouble un peu ahuri.)

Mais non, mais non, Monsieur, je devine très bien ce que vous devez éprouver.

JUSSIEUX.

C’est que j’ai été un camarade de votre mère, si journalier, si constant. Nous avons eu une enfance très rapprochée…

HENRIETTE.

Alors, si vous m’aviez rencontrée dans la rue ou dans le métro, vous n’auriez pas douté une seconde que j’étais la fille de Nono.

JUSSIEUX, (s’animant en parlant debout.)

Oh ! pas une seconde, je vous le garantis. Vous auriez vu, devant vous, un Monsieur qui aurait laissé tomber sa canne ou son chapeau de stupéfaction ! Mais, je vous le répète, ne croyez pas que ce soit une ressemblance de traits absolument définie. En général, les vraies ressemblances ne sont pas perceptibles à tout le monde. Avez-vous remarqué les discussions interminables des parents ?… « Je trouve qu’il ressemble à mon grand-père… Non, à ma mère… Non, à la tienne… », etc…, etc… Il n’y a qu’un étranger, n’importe qui, la concierge, la modiste, mais un œil neuf, en tout cas, qui peut décider du degré ou de la qualité de ressemblances… Oh ! tenez… le mouvement que vous venez de faire… ce geste en avant des cinq doigts de la main ! C’est inouï…

HENRIETTE, (elle rit.)

Dites-moi, Monsieur, ça m’intéresse prodigieu-