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la petite porte basse de l’écurie qui donnait sur les lauriers-tins.

HONORINE.

Oui, ce côté si triste, si abandonné du jardin, avec les balsamines traînant à côté des vieux buis.

JUSSIEUX.

Avez-vous toujours cette propriété de vos parents ?

HONORINE.

Elle appartient encore à ma famille… Mais je pourrais la racheter… J’en ai l’intention… Ce serait bon d’y revivre un peu…

JUSSIEUX.

Oh ! défiez-vous de ces exhumations, ma chère ! je les ai essayées quelquefois sans grande réussite… Les souvenirs vous tentent d’abord par leur fraîcheur… et puis, après, ils se dessèchent et ils ont finalement raison de vous… On dirait que les fantômes vous tirent par les pieds ! J’ai horreur de ça !

HONORINE.

Quoi ? Vous n’êtes pas respectueux du passé, Armand ? Oh ! quelle désillusion ! J’espérais tant !

JUSSIEUX.

Moi ? Il n’y a pas un être au monde qui soit plus sujet aux souvenirs !… Vous tombez mal !… Je dis justement qu’il faut quelquefois résister à leur sujétion… par l’hygiène… Les souvenirs n’ont pas, à tous les âges de la vie, le même charme… Jeunes ils ne pèsent pas d’un poids bien lourd !… Mais quand l’espace se rétrécit devant nous, les mêmes souvenirs prennent un aspect… plus irréparable… on ne joue plus avec eux… Je ne tiens